Arrêt cardiaque : plus de bouche à bouche ?
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Arrêt cardiaque : plus de bouche à bouche ?
Arrêt cardiaque : plus de bouche à bouche ?
Il y a tout juste 50 ans W B Kouwenhoven décrivait dans le JAMA, la technique du massage cardiaque externe (MCE). Peu après, les réanimateurs recommandèrent de toujours associer au MCE une oxygénation par bouche à bouche (BAB) lors des arrêts cardio-respiratoires (ACR). Cependant, en raison de données expérimentales et observationnelles et des difficultés rencontrées sur le terrain lors de la mise en œuvre par les témoins d’un BAB correct (même s’il s’agit de professionnels) en 2008, l’American Heart Association (AHA) décidait de conseiller désormais le MCE seul pour les ACR de l’adulte de cause cardiaque. Mais, malgré l’autorité de l’AHA dans le monde, ces nouvelles guidelines n’ont pas été adoptées par tous sur le terrain, sans doute en raison de leur faible niveau de preuve.
Le type de massage tiré au sort !
Aujourd’hui, deux études randomisées semblent donner raison à l’AHA.
Même si la randomisation dans ce domaine pouvait paraître difficile, elle a été rendue possible grâce à l’imagination de deux équipes, américaine et suédoise, qui ont mis au point un protocole très proche de part et d’autre de l’Atlantique.
Schématiquement, dans les deux essais, c’est le médecin régulateur du numéro d’appel d’urgence qui assurait la randomisation en recommandant (avant l’arrivée de l’équipe de réanimation mobile) au témoin appelant les secours pour un ACR soit le MCE seul, soit la réanimation cardiopulmonaire (RCP) classique associant MCE et BAB. Dans les deux études, le critère principal de jugement était la survie soit à la sortie de l’hôpital (dans l’étude américaine) soit à 30 jours (dans l’essai suédois).
12,5 % de survivant avec le MCE seul
Un total de 1 941 patients de plus de 18 ans ont été inclus dans l’étude américaine, dirigée par un médecin répondant au nom prédestiné de Rea ;122 sujets assignés au MCE seul ont pu quitter l’hôpital (12,5 %) contre 105 du groupe RCP classique (11 %), la différence entre les deux groupes n’étant pas statistiquement significative (p=0,31). Des résultats similaires ont été obtenus dans l’étude suédoise qui a inclus 1 276 sujets de plus de 8 ans victimes d’un ACR en ambulatoire : la survie à un mois a été de 8,7 % avec le MCE seul et de 7 % avec la RCP classique (p=0,29). Ainsi sur ce critère « dur », les deux techniques ont donné des résultats proches avec un avantage (non significatif) pour le MCE seul.
Une tendance à la supériorité du MCE seul si la cause est cardiaque
Pour aller plus loin dans l’analyse, Rea et coll. ont étudié différents sous groupes préspécifiés. Il est apparu que la survie avait tendance à être meilleure avec le MCE seul chez les patients victimes d’un ACR de cause cardiaque (15,5 % contre 12,3 % ; p=0,09). De même, lorsque le rythme cardiaque enregistré lors de l’arrivée des secours était justiciable d’un choc (fibrillation ou tachycardie ventriculaire), la survie avait tendance à être supérieure avec le MCE seul (31,9 % contre 25,7 % ; p=0,09). A l’inverse lorsque l’ACR avait une étiologie extra-cardiaque, la survie avait tendance a être moins bonne avec le MCE seul (5 % contre 7,2 % ; p=0,29).
Les auteurs américains et suédois concluent de façon similaire que leurs résultats devraient conduire de façon pragmatique à favoriser le MCE seul par les témoins (non professionnels) d’un ACR de l’adulte.
Beaucoup de questions non résolues
Il faut toutefois relever les limites de ces deux essais et les questions cruciales non encore résolues :
- Malgré leur ampleur, la puissance de ces études était insuffisante pour mettre en évidence une différence significative de survie.
- Les sous groupes analysés étaient de tailles trop limitées pour pouvoir tirer des conclusions définitives (en particulier pour le sous groupe des ACR de cause non cardiaque chez lesquels l’oxygénation pourrait être déterminante dans les chances de survie).
- Leurs résultats ne peuvent être extrapolés aux enfants (malgré la présence de quelques enfants dans l’essai suédois). A cet égard, il faut rappeler qu’une étude observationnelle japonaise récente et de grande ampleur était en faveur de la RCP classique chez l’enfant.
- Surtout, ces deux études ne permettent pas de déterminer quelle est la technique à utiliser préférentiellement par des professionnels de santé entraînés.
Pour trancher définitivement le débat nous aurions à la fois besoin de nouvelles données expérimentales et de nouveaux essais randomisés. Les études animales devraient en particulier évaluer la perfusion coronaire avec les deux techniques et déterminer si l’oxygénation peut être réellement délétère dans certains types d’ACR. Les essais pourraient concerner les techniques de réanimation appliquées par les professionnels dès l’arrivée des secours.
Dr Anastasia Roublev
1) Rea TD et coll. : CPR with chest compression alone or with rescue breathing. N Engl J Med 2010; 363: 423-33.
2) Svensson L et coll.: Copression only CPR or standard CPR in out-of-hospital cardiac arrest. N Engl J Med 2010; 363: 434-42.
Il y a tout juste 50 ans W B Kouwenhoven décrivait dans le JAMA, la technique du massage cardiaque externe (MCE). Peu après, les réanimateurs recommandèrent de toujours associer au MCE une oxygénation par bouche à bouche (BAB) lors des arrêts cardio-respiratoires (ACR). Cependant, en raison de données expérimentales et observationnelles et des difficultés rencontrées sur le terrain lors de la mise en œuvre par les témoins d’un BAB correct (même s’il s’agit de professionnels) en 2008, l’American Heart Association (AHA) décidait de conseiller désormais le MCE seul pour les ACR de l’adulte de cause cardiaque. Mais, malgré l’autorité de l’AHA dans le monde, ces nouvelles guidelines n’ont pas été adoptées par tous sur le terrain, sans doute en raison de leur faible niveau de preuve.
Le type de massage tiré au sort !
Aujourd’hui, deux études randomisées semblent donner raison à l’AHA.
Même si la randomisation dans ce domaine pouvait paraître difficile, elle a été rendue possible grâce à l’imagination de deux équipes, américaine et suédoise, qui ont mis au point un protocole très proche de part et d’autre de l’Atlantique.
Schématiquement, dans les deux essais, c’est le médecin régulateur du numéro d’appel d’urgence qui assurait la randomisation en recommandant (avant l’arrivée de l’équipe de réanimation mobile) au témoin appelant les secours pour un ACR soit le MCE seul, soit la réanimation cardiopulmonaire (RCP) classique associant MCE et BAB. Dans les deux études, le critère principal de jugement était la survie soit à la sortie de l’hôpital (dans l’étude américaine) soit à 30 jours (dans l’essai suédois).
12,5 % de survivant avec le MCE seul
Un total de 1 941 patients de plus de 18 ans ont été inclus dans l’étude américaine, dirigée par un médecin répondant au nom prédestiné de Rea ;122 sujets assignés au MCE seul ont pu quitter l’hôpital (12,5 %) contre 105 du groupe RCP classique (11 %), la différence entre les deux groupes n’étant pas statistiquement significative (p=0,31). Des résultats similaires ont été obtenus dans l’étude suédoise qui a inclus 1 276 sujets de plus de 8 ans victimes d’un ACR en ambulatoire : la survie à un mois a été de 8,7 % avec le MCE seul et de 7 % avec la RCP classique (p=0,29). Ainsi sur ce critère « dur », les deux techniques ont donné des résultats proches avec un avantage (non significatif) pour le MCE seul.
Une tendance à la supériorité du MCE seul si la cause est cardiaque
Pour aller plus loin dans l’analyse, Rea et coll. ont étudié différents sous groupes préspécifiés. Il est apparu que la survie avait tendance à être meilleure avec le MCE seul chez les patients victimes d’un ACR de cause cardiaque (15,5 % contre 12,3 % ; p=0,09). De même, lorsque le rythme cardiaque enregistré lors de l’arrivée des secours était justiciable d’un choc (fibrillation ou tachycardie ventriculaire), la survie avait tendance à être supérieure avec le MCE seul (31,9 % contre 25,7 % ; p=0,09). A l’inverse lorsque l’ACR avait une étiologie extra-cardiaque, la survie avait tendance a être moins bonne avec le MCE seul (5 % contre 7,2 % ; p=0,29).
Les auteurs américains et suédois concluent de façon similaire que leurs résultats devraient conduire de façon pragmatique à favoriser le MCE seul par les témoins (non professionnels) d’un ACR de l’adulte.
Beaucoup de questions non résolues
Il faut toutefois relever les limites de ces deux essais et les questions cruciales non encore résolues :
- Malgré leur ampleur, la puissance de ces études était insuffisante pour mettre en évidence une différence significative de survie.
- Les sous groupes analysés étaient de tailles trop limitées pour pouvoir tirer des conclusions définitives (en particulier pour le sous groupe des ACR de cause non cardiaque chez lesquels l’oxygénation pourrait être déterminante dans les chances de survie).
- Leurs résultats ne peuvent être extrapolés aux enfants (malgré la présence de quelques enfants dans l’essai suédois). A cet égard, il faut rappeler qu’une étude observationnelle japonaise récente et de grande ampleur était en faveur de la RCP classique chez l’enfant.
- Surtout, ces deux études ne permettent pas de déterminer quelle est la technique à utiliser préférentiellement par des professionnels de santé entraînés.
Pour trancher définitivement le débat nous aurions à la fois besoin de nouvelles données expérimentales et de nouveaux essais randomisés. Les études animales devraient en particulier évaluer la perfusion coronaire avec les deux techniques et déterminer si l’oxygénation peut être réellement délétère dans certains types d’ACR. Les essais pourraient concerner les techniques de réanimation appliquées par les professionnels dès l’arrivée des secours.
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1) Rea TD et coll. : CPR with chest compression alone or with rescue breathing. N Engl J Med 2010; 363: 423-33.
2) Svensson L et coll.: Copression only CPR or standard CPR in out-of-hospital cardiac arrest. N Engl J Med 2010; 363: 434-42.
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