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Fibromyalgie de l'adolescent : comment poser le diagnostic?

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Fibromyalgie de l'adolescent : comment poser le diagnostic? Empty Fibromyalgie de l'adolescent : comment poser le diagnostic?

Message par hadjora Lun 18 Jan 2010 - 15:45

Fibromyalgie de l'adolescent : comment poser le diagnostic?




Dr Patrick SICHERE. Rhumatologue

Lors du dernier congrès de la Société Française d'Evaluation et de Traitement de la Douleur (SFETD) vous avez présenté ce sujet. Cette tranche d'âge serait donc aussi concernée par cette pathologie?

La littérature anglo-saxonne considère que 5 à 20 % des adolescents souffrent de douleurs musculo-squelettiques (Mettwally, 2007) et 7,5% de fibromyalgie(Mikkelson, 1997). En France, à ma connaissance, les chiffres de cette population concernée par ce syndrome ne sont pas connus.

Existent-ils des critères diagnostiques propres aux adolescents?

Comme chez l'adulte, à propos des critères de l'ACR de 1990, ceux de Yunus concernant les enfants et proposés en 1985 doivent être aussi mieux précisés. Ils associent des critères majeurs comme la douleur, les points douloureux bien connus à des critères mineurs que sont les troubles du sommeil, la fatigue, les céphalées par exemple.

Quel bilan s'impose avant de poser le diagnostic?

Comme chez l'adulte le syndrome fibromyalgique est évidemment un diagnostic d'élimination. Cela implique donc au préalable d'éliminer les affections bactériennes, virales, les hémopathies, les néoplasies, les affections endocriniennes, métaboliques et rhumatismales. A ce sujet je dirai que le diagnostic est parfois difficile à poser avec les spondylarthropathies. Et l'existence d'un groupage HLA B27 ne facilite pas pour autant l'orientation. Quant aux douleurs de croissance, elles ne touchent en générale que les membres inférieurs, la nuit chez des enfants âgés de 4 à12 ans. En pratique on prescrira donc : Nfs, vs, crp, ionogramme, calcémie, CPK, transaminases, sérologie hépatite, parvovirus, MNItest, TSH, T4, FAN. Ces examens suffirontle plus souvent avec un éventuel complément d'imagerie.

Comment se déroule la ou les consultations d'adolescents fibromy algiques?

Sans précipitation. Nous sommes dans un contexte de douleur chronique il n'est donc pas question de se jeter dans l'annonce du diagnostic et dans les traitements sans une évaluation. Non seulement il va s'agir d'évaluer la douleur, par exemple avec l'échelle numérique, mais aussi d'évaluer ses retentissements. Comme chez l'adulte, la douleur chronique va entrainer non seulement un retentissement physique, mais aussi psychologique, relationnelle, comportementale. (Boureau, 1997) Les moyens d'évaluation sont limités. Le questionnaire fibromy algique(FIQ) a été validé que chez l'adulte, le Pediatric Pain Questionnaire (PPQ), à ma connaissance, n'a pas été traduit en français. Il reste le journal de bord sachant que les adolescents sont souvent favorables à ce type de rédaction. On leur demandera donc d'écrire un journal pendant une quinzaine de jours en y décrivant leurs sensations douloureuses, les émotions, les pensées, les images, que cela leur inspire, ceci en fonction de leurs activités.

Connait-on des facteurs prédisposant au syndrome fibromy algique?

Il existerait une plus grande fréquence d'hypermobilité articulaire chez ces jeunes filles(Gedalia, 1993, Acasuso, 1998), un terrain dépressif favorisant (Neuman, 1997), des mères plus souvent douloureuses chroniques (Evans, 2008) et ces jeunes fillesseraient plus souvent victimes de stress (Horlé, 2008). Ceci survenant évidemment à une période de la vie caractérisée par des « traits émotionnels exacerbés. » (Mikkelson, 1997)

Retrouve-t-on des troubles associés à la douleur?

Comme chez l'adulte mais avec une répartition différente dans la fréquence : Troubles du sommeil (100 %), fatigu (91 %), anxiété (56 %) stress (45 %), céphalées chroniques (54 %), sensation subjective d'enraidissement (61 %), accentuation de la douleur par l'activité physique (88 %), sédentarité (64 %) (Yunus et Masi, 1985)

Quels rôles jouent les parents dans ce contexte?

Comme le rappellent Zelter et collaborateurs dans leur excellent livre intitulé « Comprendre et vaincre la douleur chronique de votre enfant. Ed. Retz 2007 », à partir du moment où un enfant souffre, sa douleur devient une affaire de famille. Tout est possible entre la culpabilité, l'hyperprotection ou la fuite, voire le véritable burn out parental. La fratrie joue également un rôle non négligeable, comme les camarades d'école, les relations au sein des activités sportives ou des loisirs.

Comment un rhumatologue peut-il maitriser une telle situation?

C'est tout l'intérêt de la multidisciplinarité. Il ne s'agit surtout pas de baisser les bras mais de maintenir le contact avec la jeune patiente et sa famille tout en montrant que le rhumatologue ne peut pas forcement tout résoudre à lui seul. Il doit donc se faire aider du médecin scolaire (Horlé, 2008) du psychologue ou de la pedo-psychiatre, du kinésithérapeute par exemple pour envisager le reconditionnement à l'effort etc. C'est là tout l'intérêt pour le ou la rhumatologue de se comporter comme le chef d'orchestre qui connaît les talents de chacun au profit du patient et de son entourage.

En pratique que proposez-vous?

Revenons donc aux consultations. Une fois le diagnostic posé, évalués les douleurs et leurs retentissements, il s'agit de commencer à informer la patiente et sa famille à propos de sa douleur. Nous allons tenter d'expliquer en termes simples et clairs, quitte à nous faire répéter, en quoi consistent les dysfonctionnements des centres de la douleur situés dans la moelle épinière et le cerveau. Nous savons en effet que ces jeunes fillesou ces femmes qui souffrent de douleur chronique ont un seuil de la douleur inférieur à la normale. Schématiquement, nous leur expliquons que ces douleurs sont la conséquence d'anomalies de la réponse au stress, des contrôles inhibiteurs descendants (Goffaux, 2009), de troubles du sommeil et de phénomènes hormonaux liés aux secrétions de neurostéroïdes, d'oetrogènes. Dans le même temps il faut rassurer les patients et leur famille sur le bon état de leur corps. Détail indispensable pour les convaincre aussitôt de reprendre une activité physique régulière salvatrice dont on sait l'effet antalgique central.

Et du point de vue thérapeutique?

Cette information est déjà une thérapeutique. Cela fait parti même de ce que l'on appelle à présent l'éducation thérapeutique. Cette prise en charge implique aussi que la patiente, comme sa famille, participe pleinement aux traitements, qu'elle devienne une partenaire à l'image des patients partenaires dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Les traitements consistent donc en activités physiques régulières adaptées selon les goûts de la jeune filleaidée au besoin par des séances de reconditionnement à l'effort par un kinésithérapeute nous l'avons dit. On proposera relaxation, hypnose ou autohypnose en impliquant les parents autant que faire se peut. Les techniques cognitivo-comportementales avec des stratégies d'adaptation ont pour but de déculpabiliser, de renforcer, d'encourager, de vivre autrement malgré la douleur.

Faut-il proposer une thérapie familiale?

Si on se rend compte que la thérapie individuelle s'oriente vers une impasse il faut se poser la question. La thérapie familiale consiste à reconnaître et modifierles facteurs familiaux qui contribuent à augmenter la perception de la douleur, élaborer une stratégie de type comportementale, aborder les problèmes de stress familiaux, améliorer la communication au sein de la famille, encourager et améliorer les stratégies d'adaptation (coping) et faire participer les pères. (Zelter LK, Blackett Schlank C, 2007)

Que conseiller aux parents par exemple?

Reprenons à nouveau les conseils de Zelter et Blackett : Eviter le renforcement, la sympathie, de réagir de façon émotive. Ne pas chercher systématiquement une aide extérieure. Que les parents maitrisent leurs propres plaintes, réagissent effi-cacement à leurs propres douleurs et encouragent l'enfant à accomplir ses tâches quotidiennes.

Que peut-on proposer comme traitements médicamenteux?

Chez l'enfant comme chez l'adolescent nous sommes forts limités. En dehors des antalgiques habituels (sans oublier à ce sujet le danger du paracétamol qui trop souvent absorbé peut entraîner des céphalées par abus médicamenteux) la plupart des molécules utilisées chez l'adulte n'ont pas été évaluées chez l'enfant. On retiendra donc comme antidépresseurs à visée antalgique l'amitryptiline à utiliser à posologie croissante de 10 mg en 10 mg (Kimura, 2000) et la fluoxetine (March, 2004). Il ne faut pas hésiter à prendre conseil auprès d'un pédo-psychiatre en raison de risque de passage à l'acte suicidaire provoqué par certains antidépresseurs. Rappelons aussi la nécessité de traiter les troubles du sommeil en évitant les benzodiazépines.

Pour conclure?

Si nous devons pour notre dossier médical poser clairement le diagnostic de syndrome fibro myalgique, la communauté médicale est quasi-unanime pour éviter d'annoncer ce diagnostic de façon péremptoire à l'enfant et à sa famille. Nous pensons que, ne connaissant pas le pronostic de ce syndrome chez l'enfant, lui coller une telle étiquette diagnostique est une erreur.

C'est prendre le risque de l'enfermer dans un catastrophisme dont on connaît fort bien les inconvénients et de transformer des douleurs peut-être passagères en véritable syndrome douloureux chronique. Il faut au contraire dédramatiser, rassurer, éviter les pronostics d'autant que l'évolution en la matière est une inconnue et donc le dire. Maintenir la scolarité et les activités physiques régulières sont des objectifs qui font partis d'une prise en charge globale et multidisciplinaire. Cela implique donc que la patiente soit pleinement informée et participante, que la ou le rhumatologue soit le véritable chef d'orchestre conduisant cette prise en charge.
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