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Migraine et risque vasculaire : des liens complexes mais réels

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Migraine et risque vasculaire : des liens complexes mais réels Empty Migraine et risque vasculaire : des liens complexes mais réels

Message par hadjora Ven 22 Jan 2010 - 21:57

Migraine et risque vasculaire : des liens complexes mais réels




Les liens entre migraine et risque vasculaire sont nombreux, qu'il s'agisse du risque d'infarctus cérébral majoré dans la migraine avec aura - c'est ce que confirmeune récente étude parue dans le BMJ1 - ou des phénomènes vasculaires impliqués pendant la crise migraineuse. Les pistes physiopathologiques qui pourraient expliquer ce lien entre les deux pathologies sont nombreuses, certains experts allant jusqu'à évoquer le concept de « maladie vasculaire progressive ». En attendant les résultats d'études en cours, il est capital de mettre en garde les patientes migraineuses avec aura contre les risques générés par l'association pilule oestroprogestative et tabac.

Dr Christian LUCAS. Service de Neurologie et Pathologie Neurovasculaire, Hôpital Salengro, CHU Lille



PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MIGRAINE

Les études de ségrégation familiale et les études de jumeaux sont en faveur d'un rôle conjoint de facteurs environnementaix et de facteurs génétiques dans le déterminisme de la migraine sans aura ou avec aura. La dépression c'est-à-dire la dépolarisation corticale responsable de l'aura activerait les terminaisons nerveuses du système trigémino-vaculaire périphérique, qui activerait à son tour le noyau trijumeau dans le tronc cérébral, qui lui-même, par une voie réflexe parasympathique, produirait une vasodilatation des vaisseaux méningés. Le neurone du ganglion sphénopalatin amplifiela cascade douloureuse en favorisant par voie réflexela vasodilatation.



La migraine est considérée depuis longtemps comme un facteur de risque d'AVC chez la femme jeune. Une étude récemment parue dans le BMJ (lire encadré) vient confirmercette augmentation du risque d'AVC ischémique chez des femmes migraineuses avec aura et âgées de moins de 45 ans. Les résultats de cette vaste méta-analyse rejoignent ceux de plusieurs études cas - témoins, qui avaient montré un risque relatif multiplié par 2 pour l'ensemble des patientes, par 6 pour les femmes jeunes présentant des migraines avec aura, par 10 chez les migraineuses qui fument, par 14 chez celles qui sont sous contraceptif oral, et entre 30 et 36 chez les migraineuses avec aura qui fument et prennent la pilule. Néanmoins, le risque absolu annuel de faire un infarctus cérébral reste faible dans cette tranche d'âge : 6 pour 100 000 pour les non-migraineuses, 18 pour 100 000 pour l'ensemble des migraineuses, 52 pour 100 000 pour les migraineuses avec aura. Ce qui n'empêche pas d'être vigilant chez les patientes qui présentent une migraine avec aura et leur déconseiller formellement de fumer ou bien, le cas échéant, leur proposer une contraception plutôt mécanique ou par progestatifs purs afin d'éviter le tiercé malheureux associant migraine avec aura + tabac + pilule oestroprogestative.

En revanche, contrairement à ce que mentionnent d'autres études1, l'étude du BMJ ne retrouve pas d'augmentation du risque de coronaropathie (infarctus du myocarde ou décès CV) dans cette population de patientes migraineuses. Les liens pathologiques existants entre migraine et lésions ischémiques cérébrales sont donc multiples, complexes et peuvent jouer dans les deux sens. De nombreuses pistes de recherche tentent d'élucider les mécanismes physiopathologiques susceptibles d'expliquer les liens existants entre ces deux pathologies.


Dysfonction endothéliale

Dans la migraine avec aura, certains travaux - turcs notamment2 - ont clairement montré que les artères des migraineux n'étaient pas tout à fait normales et présentaient une dysfonction endothéliale. Ces anomalies de l'endothélium - présentes dans toutes les artères - pourraient expliquer en partie l'augmentation du risque vasculaire chez le migraineux. En eff etla fonction endothéliale, qui peut également être altérée par le tabagisme ou l'HTA, joue un rôle capital dans la vasoréactivité artérielle ; des travaux coréens ayant quant à eux montré une diminution des progéniteurs des cellules endothéliales (formes très immatures capables de réparer l'endothélium) chez les migraineux avec aura par rapport aux migraineux sans aura et par rapport à des sujets contrôles ; présents en plus petite quantité, ces progéniteurs semblent également atteints dans leur fonctionnalité, ce qui entraîne une baisse de la capacité de diapédèse des cellules endothéliales3.

Une étude néerlandaise récente4 réalisée en population générale a par ailleurs comparé la prévalence des facteurs de risque vasculaire « classiques » chez des migraineux (avec et sans aura) et chez des non-migraineux. Les migraineux fumaient davantage et consom- Une étude néerlandaise récente4 réalisée en population générale a par ailleurs comparé la prévalence des facteurs de risque vasculaire « classiques » chez des migraineux (avec et sans aura) et chez des non-migraineux. Les migraineux fumaient davantage et consom-


Les liens pathologiques existants entre migraine et lésions ischémiques cérébrales sont donc multiples, complexes et peuvent jouer dans les deux sens.


Une étude néerlandaise récente4 réalisée en population générale a par ailleurs comparé la prévalence des facteurs de risque vasculaire « classiques » chez des migraineux (avec et sans aura) et chez des non-migraineux. Les migraineux fumaient davantage et consommaient moins d'alcool. Les migraineux avec aura avaient plus souvent un profilcholestérolémique défavorable et une hypertension artérielle. Ainsi d'après cette étude réalisée en population générale, les migraineux, et en particulier les migraineux avec aura, présenteraient davantage de facteurs de risque CV traditionnels que les individus non migraineux.

Un surrisque d'événements veineux

D'autres pistes incriminent plutôt le versant veineux. Ainsi, contrairement à l'étude néerlandaise, l'étude autrichienne de Brüneck, qui a suivi de façon très systématique des patientes migraineuses pendant plusieurs années avec un questionnaire sur les FR traditionnels, un échodöppler des membres inférieurs et une mesure de l'épaisseur intima-media sur la carotide commune a conclu que l'athérome progressait moins vite chez les migraineux que chez les non migraineux et que les facteurs de risque vasculaires n'étaient pas plus nombreux chez ces derniers : en revanche, ils ont trouvé une prévalence plus élevée d'ATCD de phlébites et d'embolie pulmonaire chez les migraineux.


L'activation des neurones du tronc cérébral déclenche une dépression corticale responsable de la libération d'ions K+, H+ et de l'oxyde d'azote, NO entraînant une dilatation vasculaire.

La sensibilité à la dépolarisation corticale envahissante serait le dénominateur commun des crises de migraine.

Dans les méninges, l'excitation des fibrestrigéminales périvasculaires entraîne la libération de neuropeptides pro-inflammatoires: CGRP et substance P. Ces neuropeptides provoquent une vasodilatation et l'extravasation plasmatique de substances pro-inflammatoiresalgogènes, qui entraînent inflammationméningée et activation des voies nociceptives du V.

Autre facteur susceptible d'expliquer l'augmentation des accidents thromboemboliques chez les migraineux : la présence accrue dans cette population d'un foramen ovale perméable. Anomalie déjà très fréquente chez le tout-venant (1/4 des hommes et des femmes), le foramen ovale perméable est présent chez 50 % des migraineux avec aura, suggérant l'existence d'un lien d'association. S'agit-il d'une simple comorbidité ou bien le FOP joue-t-il un rôle physiopathologique dans la migraine? Il n'est pas impossible que des micro-embolies paradoxales générées par des thrombus veineux soient susceptibles de partir ainsi dans la grande circulation artérielle et d'entraîner des petits infarctus cérébraux...


Une hyperagrégabilité plaquettaire

Enfin, certains travaux5 tout à fait récents suggèrent qu'il existe une augmentation du facteur Von Willebrandt dans la migraine avec aura, qui implique une hyperagrégabilité plaquettaire ; cette même étude retrouve une augmentation de la CRP-us (marqueur de l'inflammation)dans la migraine avec aura et une diminution de l'antigène t-PA, susceptible de réduire l'activité fibrinolytiquespontanée.

Au total, ces diff érentespistes physiopathologiques évoquent soit une anomalie du contenant (artères et veines), mais aussi du contenu des artères qui pourrait contenir des éléments prothrombogènes. L'augmentation du risque vasculaire cérébral observé chez les migraineux ne s'explique sans doute pas par un facteur unique, mais plutôt par la combinaison, variable d'un sujet à l'autre, des différents facteurs énumérés ci-dessus et peut-être par d'autres facteurs biologiques ou clinico-biologiques qui restent à découvrir.


Une maladie vasculaire progressive

Certains experts vont encore plus loin en suggérant que la migraine pourrait être une maladie vasculaire progressive. Pour accréditer cette thèse, il y a des arguments notamment dans la migraine avec aura, où les hypersignaux de la substance blanche (leucopathie) sont 4 fois plus fréquents que chez les non-migraineux. Ainsi l'étude hollandaise CAMERA6 montre un peu plus d'infarctus silencieux du cervelet dans certains sous-groupes de migraineux. Cela va dans le sens d'une association entre migraine et lésions cérébrales infracliniques, mais sans preuve de la nature ischémique des lésions.


Anomalie déjà très fréquente chez le tout-venant (1/4 des hommes et des femmes), le foramen ovale perméable est présent chez 50 % des migraineux avec aura, suggérant l'existence d'un lien d'association.


Plusieurs arguments laissent penser que la migraine est une maladie cérébrale progressive, au moins sur le plan neuroradiologique ; la traduction clinique de ces lésions n'est ensuite pas évidente : les petites anomalies de la substance blanche peuvent-elles entraîner de petits troubles cognitifs a minima ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais tout un pan de recherches à l'heure actuelle suggère que la migraine notamment avec aura n'est sans doute pas aussi bénigne qu'on ne le pensait. De même qu'il est encore prématuré de savoir si un traitement de fond est susceptible de modifierle cours évolutif de la maladie migraineuse... En ce qui concerne les traitements de la crise, leur action sur l'évolution de la migraine à long terme est mieux connue.

Les triptans : une double action vasculaire et neuronale

Suspectés il y a quelques années de favoriser la survenue éventuelle d'un AVC, les triptans sont dorénavant complètement innocentés. Deux très larges études nordaméricaines et une anglaise7,8 ont clairement démontré qu'il n'existait aucun sur risque vasculaire à prescrire des triptans chez les migraineux, à condition de respecter l'AMM et les contre-indications : coronaropathie, ATCD d'infarctus du myo-carde, etc. Les cas rapportés dans la littérature d'événements vasculaires imputables aux triptans concernent souvent des patients atteints de coronaropathie. Mais chez des patientes jeunes sans facteur de risque vasculaire, la tolérance des triptans est très bonne et, en tout cas, plutôt supérieure à celles des nombreux médicaments pris en automédication...

Les triptans agissent comme vasoconstricteurs au niveau des artères méningées et dure mériennes, mais également en se fixantsélectivement sur les récepteurs de la sérotonine 5HT1B (sur les vaisseaux méningés) et 5HT1D (sur les neurones du trijumeau), qui se trouvent sur les cellules musculaires lisses et/ou sur les terminaisons nerveuses des fibressensorielles dans la paroi des vaisseaux des enveloppes du cerveau. En se liant à ces récepteurs, ils exercent une action constrictrice puissante et préférentielle sur les vaisseaux des méninges. De surcroît, ils inhibent, au niveau de ces mêmes terminaisons nerveuses, la libération des neuropeptides vasodilatateurs comme la substance P ou le CGRP (lire encadré 2). Ces deux types d'action, vasculaire et neuronale, concourent à stopper la fuite de plasma dans les tissus environnants qui accompagne la vasodilatation, empêchant ainsi les substances algogènes issues du plasma d'atteindre les fibressensorielles situées dans la paroi des vaisseaux, et donc d'y générer des influxdouloureux.

Migraine et épilepsie : des liens exceptionnels

Les migraineux font-ils plus de crises d'épilepsie et les épileptiques ont-ils davantage de migraines que des sujets tout venants? Une hyperexcitabilité corticale est décrite dans les deux pathologies. Mais peut-on pour autant évoquer un lien physiopathologique commun?Des études ont été réalisées dans les deux sens, avec des arguments plus nombreux pour penser que l'épilepsie est un peu plus fréquente chez les migraineux. Mais tout dépend du type de migraine...Chez les migraineux sans aura et avec aura tout à fait classique, visuelles, le sur risque épileptique n'est pas avéré. La migraine peut être symptomatique d'une autre aff ectionorganique (métabolique, vasculaire, etc.) susceptibles d'entraîner des maux de tête migraineux, mais aussi de favoriser la survenue de crises d'épilepsie.En revanche, on retrouve dans certaines migraines avec aura hémiplégique, des gènes qui codent à la fois pour la migraine hémiplégique familiale et pour l'épilepsie : un même patient peut alors présenter des crises de migraine notamment avec auras - auras hémiplégiques ou auras de longue durée - et des crises d'épilepsie. Il semble exister dans ce cas précis un dysfonctionnement génétiquement programmé des transporteurs ioniques évoquant un mécanisme commun sous-jacent (canalopathie) pour les deux désordres paroxystiques. L'eff et de ces mutations de canaux ioniques sur la libération des neuromédiateurs est probablement l'explication majeure (9).Enfin, le concept de migralepsie (10) est un phénomène rare qui correspond au déclenchement d'une crise d'épilepsie par une crise de migraine. Les critères IHS précisent que la crise de migraine doit comporter une aura et que l'intervalle entre la crise d'épilepsie et la crise migraineuse est au maximum d'une heure. Mais ce concept reste à ce jour controversé. En effet, la survenue de céphalées - parfois à caractère migraineux - après les crises d'épilepsie et de signes digestifs (nausées, vomissements) peut également contribuer à rendre le diagnostic délicat.Des traitements antiépileptiques utilisés dans la migraine Certains traitements sont efficacesdans les deux pathologies. Certains antiépileptiques, neuromodulateurs, sont de bons antimigraineux : ils agissent sur le frein du cerveau, par l'intermédiaire du Gaba. Trois antiépileptiques sont validés dans le traitement de fond de la migraine : le topiramate, le valproate de sodium et la gabapentine. Ils peuvent tout à fait être prescrits si le patient n'est pas bien équilibré par un traitement de fond classique. Mais ce sont des médicaments difficilesà manipuler, avec une marge thérapeutique plus étroite et davantage d'eff etssecondaires.



Migraine et risque vasculaire : des liens complexes mais réels P21

Références



1. Kurth T et al. Migraine, vascular risk, and cardiovascular events in women : prospective cohort study. BMJ. 2008 ; 337 : a6362. Yetkin et al. Increased dilator response to nitrate and decreased flow-mediated dilatation in migraineurs. Headache, 2007: 47 : 104-1103. Lee et al. Decreased number and function of progenitor cells in patients with migraine,. Neurology 2008 : 70 : 1510-15174. CAMERA Study. Communication orale International Headache Society. Boston septembre 2009.5. Tietgen - Stroke 2009??6. Kruit et al. Migraine as a risk factor for subclinical brain lesions. JAMA, 2004 ; 291 : 427-34.7. Velentgas et al. Severe Vascular Events in Migraine Patients. Headache, 2004.8. Hall et al. Triptans in migraine : the risks of stroke, cardiovascular disease, and death in practice. Neurology, 2004.9. Haan J et al. Migraine and epilepsy : genetically linked? Expert Rev Neurother. 2008 Sep ; 8 (9) : 1 307-11.10. Maggioni F et al. Migralepsy : is the current definitiontoo narrow? Headache, 2008 ; 48 (7) 1129-32.

Dr Françoise DESTRIBATS
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